"Citation"
Tous les hommes aiment à s'approprier le bien d'autrui ; c'est un sentiment généra ; la manière seule de le faire est différente.
Lesage (Alain René)
Le terme "conscience" peut sembler
simple, car il est d'un usage courant : prendre conscience d'une situation,
réagir en toute conscience, perdre conscience, avoir bonne ou mauvaise
conscience, etc. Ces expressions révèlent pourtant la polysémie du mot, où
convergent deux acceptions : l'une est morale (affirmée dès Socrate, qui évoque
volontiers le "démon" l'invitant à telle ou telle conduite), l'autre est
psychologique.
La conscience morale implique la
présence, en chacun, de valeurs qui l'aident à définir ce qui lui paraît bien ou
mal. Elle débouche donc sur une question relative à l'origine de ces valeurs :
me sont-elles fournies par une autorité extérieure (la famille, la société, ou
Dieu) ? ou est-ce moi qui les découvre ou les invente ?
Quant à la conscience
psychologique, elle peut à son tour se comprendre selon deux dimensions : d'une
part, elle double chacun de mes actes d'un savoir le concernant (je suis
conscient de ce que je vois en même temps que de voir). D'autre part, elle
constitue le sentiment d'être un moi singulier : le sujet s'affirme en
s'opposant à tout ce qui n'est pas lui-même.
Pour échapper à l'erreur,
Descartes suspend tout jugement par un doute "hyperbolique". Il met fin à ce
dernier en découvrant la première vérité indubitable : le "je pense, je suis".
L'existence humaine est ainsi capable de se saisir dans la conscience qui
accompagne chacune de ses pensées (vraies ou fausses, peu importe). Le sujet est
dès lors différencié de l'objet : le monde extérieur (dont les animaux-machines
qui, privés d'âme, ne peuvent penser) est composé d'objets, domaine
d'investigation de la science et de la technique.
Il devient alors nécessaire
d'explorer la subjectivité, de décrire le mode d'être et les capacités de la
conscience. Cette exploration sera menée, soit par l'introspection - qui prétend
saisir et analyser un phénomène au moment même où il a lieu dans la conscience,
soit par la rédaction d'un journal intime, qui enregistre dans la durée les
modifications du sujet en fonction de ce qu'il vit. Confirmant son existence, le
sujet ambitionne de devenir, comme Auguste dans Cinna, "maître de (s)oi comme de
l'univers". La conscience serait l'équivalent, dans l'individu, d'une capacité
d'auto-contrôle ou d'un centre de volonté (qui, pour Maine de Biran, constitue
le sentiment d'un moi capable de s'opposer au reste).
De tels efforts pour décrire le
moi interne constituent-ils une connaissance générale (ou scientifique) de la
conscience? Rien n'est moins sûr : dès avant Freud, la suprématie de la
conscience est contestée de divers points de vue :
Auguste Comte élabore une critique
radicale de l'introspection, incapable de livrer des observations objectives et
généralisables (il exclut donc la psychologie des sciences)
Marx souligne la présence, dans
tout sujet, d'une conscience de classe, liée à la situation sociale et condamnée
à l'erreur lorsqu'elle croit rendre compte de la réalité : la conscience
bourgeoise se livre à des interprétations conditionnées par ses propres
intérêts; elle impose ses valeurs et sa vision des choses à la conscience
ouvrière.
Nietzsche, rappelant que la
conscience est "superflue pour l'essentiel" (je mange, respire ou marche sans en
prendre conscience), remarque que toute prise de conscience est liée aux
possibilités d'un langage collectif : elle trahit la singularité de l'individu,
dont la vérité est donc ailleurs.
D'autres auteurs ont conçu la
conscience en termes plus philosophiques que psychologiques. Hegel affirme ainsi
qu'elle est identique au savoir, et Schopenhauer qu'elle "consiste dans la
connaissance" - cette dernière pouvant être immédiate ou synthétique (comme
l'affirmait déjà Kant : le moi résulte de la synthèse de ses
représentations).
Chez Bergson, la conscience est
toujours sélective, car elle ne considère que ce que demande l'action. De plus,
elle "signifie avant tout mémoire", accompagnant nos conduites pour constituer
notre personnalité comme une continuité sans faille.
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