On nomme État l'ensemble des
institutions qui organisent la vie d'une société sur un territoire donné. Ces
institutions couvrent tous les domaines de la vie collective : politique,
militaire, juridique, administrative, économique. Au sens large, toute
organisation politique pourrait être nommée État, mais on constate qu'en fait,
l'État résulte d'une évolution historique : la Cité grecque n'a pas encore les
dimensions d'un État au sens moderne, et les sociétés "primitives" ne
connaissent pas ce type d'organisation.
On admet classiquement que l'État
procède de la nation, communauté unie par une histoire, une langue, une culture
et un territoire. Mais la nation n'est pas une donnée immédiate, elle se
constitue à partir d'un certain moment, et certains États récents (cas de
l'Afrique post-coloniale) existent avant même l'apparition d'un sentiment
national.
Mieux vaut alors s'interroger sur
les conditions de formation de l'État en lui-même. Il suppose que le pouvoir
politique soit conçu comme une institution, indépendant de celui ou de ceux qui
l'exercent, et durable. Mais il faut en plus que s'impose le principe de la
"république" au sens propre (res publica, chose publique) : puisque le pouvoir
de l'État n'appartient pas à son détenteur momentané, c'est qu'il "appartient" à
tous ses membres.
L'État moderne est conçu (dès le
XVIe siècle en Europe) comme indépendant du pouvoir religieux. Les théoriciens
du contrat social admettent en conséquence que c'est à la suite d'un accord
conventionnel entre les citoyens que l'État est doté d'autorité à leur égard. En
renonçant (comme l'affirment, pour des raisons différentes, Locke, Hobbes ou
Rousseau) à leur indépendance initiale, les hommes choisissent un type
d'organisation qui leur garantit la paix civile, la sécurité et la liberté
définie par les lois.
L'État de droit" se situe dans la
continuité de telles conceptions, aboutissant à comprendre l'État comme une
réalisation rationnelle, bénéfique pour tous ceux qui en font partie, et
soucieuse du bien général. Pour Hegel, l'État est ainsi "le rationnel en soi et
pour soi", parce que la liberté y trouve sa valeur suprême : le "plus haut
devoir" de l'individu est en conséquence d'être membre de l'État, qui importe
dans le réel l'"Idée morale objective".
L'État suppose que chacun dépasse
ses intérêts personnels nécessairement divergents pour se préoccuper d'un
intérêt général qui constitue au moins une esquisse d'universalité. C'est
pourquoi, au-delà des conflits possibles entre les États, l'histoire serait
orientée, affirme Kant, vers la constitution d'un État cosmopolite assurant la
paix universelle. De cette unification finale de l'humanité, des organismes
comme la Société des Nations, l'ONU, ou les tribunaux internationaux ne sont
encore que des manifestations imparfaites, mais ils témoignent au moins de la
volonté de substituer le respect du droit à l'usage de la force pour résoudre
les différends.
Cette insistance sur le caractère
rationnel de l'État n'efface pas son caractère contraignant : elle affirme
plutôt que la contrainte de la loi, pourvu qu'elle formule ce que Rousseau nomme
la "volonté générale", est librement acceptée par un citoyen de plus en plus
moral. Mais d'autres théoriciens considèrent au contraire que l'État n'est
qu'une machine inégalitaire, ou susceptible de broyer l'individu.
Du point de vue de Marx, l'idée
même d'universalité reflète l'idéologie bourgeoise. Dans cette optique, l'État
ne représente que les intérêts de la classe dominante, et non l'intérêt de tous.
C'est pourquoi ce dernier ne pourra émerger qu'au terme de processus
révolutionnaires supprimant les classes sociales et entamant un dépérissement de
l'État, devenant progressivement superflu, dès lors que tout homme sera capable
de penser en priorité à la collectivité, et non plus à ses intérêts égoïstes.
L'État "socialiste" serait ainsi le dernier, assurant la transition vers un
"homme communiste" entièrement nouveau. L'échec du régime soviétique et de ses
"démocraties" satellites invite évidemment à tempérer cet optimisme en
s'interrogeant au moins sur la transformation du "socialisme" en bureaucratie
totalitaire.
Pour les anarchistes (de Stirner à
Bakounine ou Proudhon), l'État représente une structure qui opprime la liberté
créatrice des individus. Il n'est alors pas question de le transformer en
espérant son extinction finale. Il faut lui substituer des types d'associations
plus modestes, susceptibles de se fédérer, mais sans jamais atteindre les
dimensions ou le pouvoir d'un "monstre froid".
En fondant des droits, l'État
impose des devoirs, que le citoyen n'accepte pas toujours avec plaisir (personne
n'aime payer ses impôts). Le "bon" État est alors celui qui parvient à
équilibrer de façon satisfaisante avantages et contraintes. Il est surtout celui
qui fait comprendre que les premiers sont l'envers des secondes.
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